crédit photos : père Jacques David
Du
2 juillet au dernier dimanche de septembre, juste après la Saint
Mathieu, se rejoue chaque année le pèlerinage de
Notre-Dame de Vassivière (diocèse de Clermont). Trois mois
intenses de dévotion populaire, où les pèlerins expérimentent le
sens de la Croix, cheminent intérieurement et collectivement sur les
voies qui mènent au cœur de la foi chrétienne.
La
procession tire son origine de la guérison d'un marchand dans les
années 1547. Ce dernier était devenu aveugle et il implora la
Vierge noire locale pour recouvrir la vue. Miracle qui lui fut
accordé.
Organisation
Chaque bénévole de la paroisse se connaît, entre eux c'est comme
une confrérie. Chacun et chacune maîtrise au fil du temps et des
transmissions, son rôle et le déroulement du pèlerinage. Ce qui
réduit considérablement les réunions préparatoires. Cela permet
aux différents acteurs de ce pèlerinage de s'activer
majoritairement à partir du mois de juin, presque au dernier moment.
À
partir de cette période, le père Jacques David finalise la
rédaction de son livret qui sera utilisé par les pèlerins. En même
temps, il établit une thématique spécifique, souvent inspirée par
celle de Lourdes. Pour l'édition de cette année, la thématique est
encore à l'étude et pourrait porter sur le Synode des jeunes. En
parallèle, des affiches et des dépliants sont envoyés au PRTL
(service de Pastorale des Réalités du Tourisme et des Loisirs),
dans chaque paroisse du diocèse de Clermont et à certaines
communautés religieuses comme les capucins. Y sont communiqués les
numéros de téléphones pratiques, l'itinéraire du pèlerinage,
toutes les dates des célébrations de l'été, un résumé
historique de cet événement. Ensuite, une vingtaine d'hommes et de
femmes se réunissent à Vassivière pour un grand nettoyage, le lieu
étant fermé au public depuis neuf mois. La chapelle, la salle
d'accueil, l'auberge, la chapelloune (nom donné à l'édifice qui
protège une source d'eau) et la boutique sont passées au peigne
fin. Les bancs et chaises sont remis en place. Les uns passent le
balais, les autres l'aspirateur. Les draps qui protégeaient les
statues de l'humidité sont retirés. Les mauvaises herbes sont
arrachées. Les saints sacrements sont mis en place. Les cierges
fondus sont grattés et remplacés par des neufs. Trois dames
apporteront au dernier moment des bouquets de fleurs de leurs propres
jardins. Par ailleurs, les objets de piété (chapelets, croix,
médailles, livrets, etc.) sont sortis de leurs cartons et
entreposés avec soin dans le magasin de souvenirs, tenus par des
bénévoles. Quand juin s'achève et que les préparatifs sont
terminés, les paroissiens impliqués se retrouvent tous ensemble
pour un repas convivial dans l'auberge de Vassivière. C'est à cette
occasion notamment que sont désignés les quatre porteurs qui auront
le privilège de sortir la statue de la Vierge noire de l'église
Saint-André de Besse, le 2 juillet lors de la « Montée »
et de la rentrer à nouveau lors de la « Dévalde », fin
septembre.
Reines
et porteurs
Le
pèlerinage commence le 2 juillet, en rapport avec ce qui fut jadis
le jour de la Visitation. Une foule de 500 à 700 pèlerins participe
alors à la « Montée » : la statue de la Vierge
noire de l'église de Besse-et-Saint-Anastaise (Puy-de-Dôme) est
transportée à la chapelle de Vassivière, située dans les hauteurs
et à 8 km de marche. La procession est marquée par des temps de
prières, des chants, un chemin de croix et ses quatorze stations
célébré pendant une trentaine de minutes, d'une dernière halte
pour chanter Salve Regina et
boire à la source une eau pure de montagne qui aurait diverses
vertus de guérisons.
Lors
de la « Montée », la statue de la Vierge noire est
soutenue par des porteurs et entourée de « reines ». Ces
femmes et hommes sont distingués comme tels, grâce à leur foi,
leur attachement à ce pèlerinage, par une transmission familiale ou
par un parrainage. François Verny,
la cinquantaine, brasseur sur Super-Besse, est porteur depuis 7
années. Son grand-père aussi avait cette fonction. Sa grand-mère
était quant à elle reine, rôle que sa sœur assure actuellement.
« Pour moi, témoigne-t-il, être porteur n'est pas une parade,
ni un concours. Cet engagement est vraiment un cheminement spirituel,
une connexion à ma famille et à ce territoire. C'est aussi un
moment privilégié pour me rapprocher de la Vierge, mère de tout le
monde, et me sentir porté par elle ». Lors de la procession, six
reines sont reliées, par des rubans blancs et bleus, à la
châsse qui protège la Vierge Marie. Autour du cou elles ont des
médaillons représentants la Vierge locale et brandissent un drapeau
à son effigie. Les porteurs sont
équipés de bâtons de pèlerins blancs et bleus et de brassards aux
mêmes couleurs. Par équipes de quatre, ils se relaient pour porter
sur leurs épaules la châsse soutenant la statue de Marie.
Trois
mois de temps forts
Une
fois la « Montée » accomplie, les trois mois de
pèlerinage commencent. Tous les jours une messe est donnée dans la
chapelle Notre-Dame de Vassivière, à 11h. Elles sont assurées par
des chapelains du diocèse, mobilisés à tour de rôle sur une
semaine. Ces derniers peuvent effectuer des confessions sur place.
Les dimanches une messe supplémentaire est célébrée à 17h. Les
vendredis, l'équipe du rosaire anime une prière mariale. Le 15 août
deux messes sont célébrées, ainsi qu'une prière mariale à 15h.
À la Saint Louis et la nativité de la Vierge des célébrations
spécifiques ont lieu. Le sanctuaire est ouvert aux autres paroisses
que celle de Sainte Marie des Lacs et des Couzes. Celles-ci peuvent
venir et co-animer des messes avec leurs propres prêtres, comme le
fit la paroisse de Nantes par exemple. Des écoles catholiques sont
même venues plusieurs années de suite pour permettre à des élèves
de 6e de passer une journée sur place.
Madame Éliane Farget, professeure à la retraite, est membre de
l'équipe chargée de l'accueil des pèlerins depuis 17 ans et
s'occupe avec d'autres bénévoles de la boutique du site. Elle est
de plus en plus attachée à cette chapelle ainsi qu'à ce moment de
dévotion populaire : « Là-haut, le paysage est
magnifique. Il y a de la sérénité, du calme. Cela permet aux
pèlerins de rencontrer d'autres personnes ou de se confier à nous,
dans un climat propice. Le site est idéal pour s'écoute et
méditer. »
Pincement
au cœur et nouveau départ
Lorsque
la « Dévalade » a lieu, le dernier dimanche de
septembre, sous les feux d'artifices et coups de fusils, le
pèlerinage se termine. Trois mois de dévotion populaire cessent et
tout le monde reprend un train de vie normal. « C'est
extraordinaire de voir des gens se
mettre en route, en quête d'un idéal, d'un absolu, de prendre un
temps de recul pour relire leur vie à la lumière de
l’Évangile. Certains sont changés par l'esprit du
Christ qui germait en eux et qui s'est finalement déployé » confie
le père Jacques David, en charge du pèlerinage depuis six ans.
Thomas
Masson
Les
Cahiers Prions en Église, n°263
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