La situation était mal barrée. Tout cela, à cause de trop de barrages : barrage hydraulique, barrage policier, barrage de militants, barrage d’agriculteurs, etc... Depuis le 6 mars, tout le monde – ou presque - s’est barré de la zone à défendre de Sivens. Le calme est de retour. Pour combien de temps ?
Illustration de l'occupation de la ZAD de Sivens - crédit Guy Masavi - Flick'r |
Ils sont regroupés entre eux.
Agrippés les uns aux autres. Ils sont assis par terre. Regroupés les uns contre
les autres. Ils résistent. Une toute dernière fois. Pour l’honneur. Pour la
nature. Pour une zone humide. Pour Rémi. Ils chantent « Rémi, Rémi, on t’oublie pas ! ». Ils lancent
quelques insultes aux étranges et nombreux hommes en bleu marine : « assassins », « vous faites
un métier de merde », … Les hommes en uniforme ne répondent pas. Ils détachent
ces derniers maillons humains. L’un après l’autre, chaque chaînon cède. C’est
la fin d’une longue lutte. Trois cents contre trente, le rapport de force est
disproportionné. Nous sommes le 6 mars
2015. Les derniers zadistes, opposés au projet de barrage de Sivens, viennent
d’être expulsés par les forces de l’ordre. Mettant fin à seize mois
d’occupation de la zone.
43 voix contre 3 :
Cette opération d’expulsion a été
rendue possible par le Conseil Général du Tarn. Le vendredi 6 mars, à 11h15. La
majorité des élus s'est sont prononcée - 43
voix contre 3 - pour « l’expulsion sans délais des zadistes ». La suite est connue : vers quatorze
heures, 300 gendarmes suréquipés,
accompagnés de bulldozers, de quinze fourgons, d’un drone et de deux
hélicoptères encerclent les trente zadistes et leurs animaux (boucs, poules,
cochons, brebis, chiens, etc…). En deux
heures le camp est vidé et démantelé, sans heurt majeur.
Soulagés :
Suite à cette intervention, Bernard
Cazeneuve, ministre de l’intérieur « félicite
l’ensemble des forces de l’ordre, qui ont mené cette délicate opération. Il
conclut, avec assurance, « aujourd’hui, à Sivens, le droit et la
démocratie ont prévalu sur la violence. Et c’est une victoire de la République ». L’État peut dormir sur ses deux oreilles. Les
200 agriculteurs pro-barrage sont rentrés chez eux. Vingt et un zadistes ont
été interpellés. L’intervention de l’État permet ainsi de mettre fin aux
tensions qui durent depuis des mois et qui ont vu mourir Rémi Fraisse.
Joeffrey, le fondateur de l’association les Riverains de Sivens,
raconte « on va enfin faire
redescendre la pression, retrouver un peu de tranquillité et une vie normale.
Je suis soulagé que ce soit enfin fini ».
David Escande, l’exploitant agricole du terrain occupé par les zadites,
va dans ce sens : « on
attendait cette évacuation depuis des mois car on avait l’impression de vivre
dans une zone de non-droit ».
Le zone humide de Sivens en septembre 2013 - crédit Jean-Marc Aspe - Flick'r |
Pour maintenir la sérénité, près de
150 gendarmes resteront tout de même sur le site. Cela jusqu’à fin mars.
Réduit, mais barrage quand même :
Les camps sur le front ont été
levés. Mais le nerf de la guerre reste
encore sensible. Le fameux projet de barrage de Sivens, revu à la baisse, reste
d’actualité. Le projet de barrage
initial, prévoyant une retenue d’eau - surdimensionnée - de 1,5 million de mètres
cubes sur une zone humide, est abandonné. Mais une version allégée d’au moins
750 000 mètres cubes est retenue par le Conseil Général du Tarn.
Mais cela ne devrait pas trop être
un handicap pour la collectivité territoriale. Ségolène Royal, dans une
lettre datée du 27 février 2015, s’est engagée à ce que l’État lui indemnise « les opérations déjà mises en œuvre au
titre de projet initial et qui ne pourront pas être redéployées pour réaliser
le nouveau projet ». Cette incitation financière, est tout de même
d’un montant compris entre 2 et 3 millions d’euros. Bien entendu, cette charge
sera à supporter par les contribuables français.
Critiques :
La zone humide de Sivens est dégagée.
Mais dans les coulisses, il reste des zones d’ombres. La première concerne la
CACG (Compagnie générale des coteaux de Gascogne). Cette société est celle qui
a réalisé en 2001 les études concluant à la nécessité de construire le barrage initial.
C’est elle qui est maître d’ouvrage et elle qui devrait – à priori – devenir
gestionnaire par la suite. Cette situation porte un nom : conflits
d’intérêts. Lancer un véritable appel à projet serait pour le coup démocratique
et républicain.
L’autre reproche concerne les principaux destinataires du barrage. L’eau
stockée servirait en effet à 30 agriculteurs, pratiquant la culture intensive.
Surtout, ce projet leur permettrait de cultiver du maïs semence. Un produit, considéré
à forte valeur ajoutée, mais qui nécessite beaucoup d’eau lors de sa phase de
croissance.
Alternatives :
Beaucoup de voix, d’experts,
s’élèvent pour proposer d’autres solutions à ce barrage coûteux et impactant.
Les pouvoirs publics, les agriculteurs peuvent développer les bassines -
retenues d’eau de substitution -
financées par la PAC (politique d’agriculture commune). Ils peuvent
également utiliser les eaux traitées de la station d’épuration de la ville
voisine : Gaillac. Enfin, 30 % de l’eau du barrage seraient consacrés à
dépolluer les eaux usées. Réduire – à la source – les déversements chimiques,
agricoles, etc…constitue également une solution de substitution du projet du
barrage.
L'Hoplie bleu, vivant dans la forêt de Sivens - crédit Sandrine Rouja - Flick'r |
La seule chose qui est sûre, c’est
que les 94 espèces animales protégées et 353 espèces de plantes vasculaires de
cette zone humide vont avoir un temps de répit. Près de deux années. Le temps
que les études de faisabilités et que les concertations aboutissent à un
compromis.
Par Thomas
MASSON
@Alter_Egaux
( sources : L'Humanité, Le Monde, L'Obs, Public Sénat, Ministère de l'Intérieur, La Dépêche, Reporterre )
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