La politique de la maison :

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lundi 18 août 2014

Quand partir de son travail « libère d’une cage » - Interview de Lyv, fondatrice du site internet "Je me casse"

Lyv, 27 ans, est d’origine guadeloupéenne. Elle est diplômée d’un Master 2 en finance, validé à Dauphine. Elle a été pendant trois ans consultante à Londres. Son parcours était tout tracé. En août 2013 elle a une prise conscience. Elle n’est plus à sa place. Elle monte son site internet « Jeme casse ». Elle quitte son travail. Elle crée et anime une communauté via le site « Meet up ». Elle se forme au web.  Elle se réapproprie sa vie. Interview.

Lyv - ©Thomas Masson

Lyv, quand est-ce que tu t'es ‘cassée’ pour la première fois ?

 

« C’était à mes 17 ans. Je suis partie de l’ile dont je suis originaire: la Guadeloupe. C’est un super endroit. Je m’y suis ‘cassée’ parce que je m’y ennuyais un peu. Quand tu es jeune, tu veux voir le monde. La Guadeloupe, c’est beau, mais c’est un tout petit monde.
Je suis partie seule de cette île. Pour aller en France métropolitaine et avoir de meilleures perspectives d'études. J'ai passé quelques jours chez de la famille, à Paris. Ma mère m'a vite rejoint, pour m'installer. 

Quand tu arrives en France, tu as 17 ans. Tu arrives dans une ville inconnue. Quel a été ton parcours, tes impressions ?

 

Quand je suis arrivée sur Paris, j'ai démarré une année de classe préparatoire en mathématiques. C’était une année difficile, avec de la pression. Je me sentais seule, j’avais froid. Je suis rentrée en Guadeloupe  trois ou quatre fois cette année là !
Mais  je savais que cette phase était normale. J’avais confiance en mon adaptation.  Je n'avais aucun doute sur le fait que la situation s'améliorerait. Avec le temps, je me suis acclimatée et je me suis fait de très bons amis. J'ai commencé à beaucoup aimer Paris. Je me baladais dans le cinquième arrondissement, je passais du temps dans les librairies… 
Ensuite, j'ai décidé de faire des études plus ouvertes que ‘juste des maths’. Je suis rentrée à Dauphine. J’ai fait de l'économie pendant deux ans. Puis je me suis spécialisée en Banque-Finance. J’ai validé un Master 2 (Bac+5). 

 

Par la suite, tu as eu de nouveau l’envie de partir. Pour rejoindre Londres cette fois-ci. Qu’est ce qui t'a décidé à t'y expatrier ?


 

Cela faisait deux ou trois ans que je voulais partir à Londres. J’avais fait le tour de Paris. Je voulais voir autre chose. Et Londres était assez près pour que j'y parte sans crainte. J'ai postulé dans toutes les grosses boites de consultants, à Paris et à Londres. Et pour Londres ça a marché. 

 

Ton aventure Londonienne va durer trois ans. Qu’est ce qui a fait que tu as fini par te lasser ?

 

Les deux premières années de ma profession étaient géniales. Entre collègues, il y avait une super ambiance. Je pensais vraiment que j’allais y faire ma vie.
Mais à partir de la troisième année, ça a commencé à aller moins bien. Pour mener à bien nos projets il fallait être n’importe où, n’importe quand. Mes collègues qui étaient parents n’avaient pas toujours de vie de famille. Le groupe avec lequel j'avais commencé e avec lequel je m'entendais bien s’est éclaté. Il fallait commencer à prendre sa carrière en mains.  Pour être à la hauteur de son ambition, il fallait avoir un côté politique et relationnel en interne. J'avais du ma à prendre un café avec des collègues par intérêt, juste pour monter hiérarchiquement. C’était trop d’énergie pour arriver au sommet. 
Cela faisait un moment que je me plaignais, que ma situation était confuse. J’ai pris conscience à ce moment là que ce poste, ce n’était pas ma place.

 

Où  as-tu réemployé ton énergie ?

 

L’idée qui m’est venue a été une fulgurance. Peut être qu’elle a ‘cuvé’ dans un coin de ma tête sans que je le sache : écrire sur les personnes qui quittent leur entreprise. Malgré les craintes de ma famille, je me suis lancée. J’étais remontée à bloc.
En août 2013, j'ai monté mon site internet: jemecasse.fr. Puis j’ai commencé à interviewer des amis qui s’étaient ‘cassés’ de leur travail. J'ai ensuite monté une page Facebook pour faire connaitre le blog.
Début septembre 2013, j’ai demandé un congé sans solde à mon entreprise (ce congé sabbatique garantit au salarié de retrouver un poste dans l’entreprise, à son retour. En France, ce congé a une durée comprise entre 6 et 11 mois. En Angleterre ce délais est compris entre 6 mois et 3 ans). Il m’a été accordé sans aucun souci, contrairement à ce que je pensais.
Le 15 octobre 2013, mon congé sans solde a pris effet. J’ai rejoins mon petit ami en France.

 

Lyv, aujourd’hui tu n’as plus de salaire fixe et de contrat à durée indéterminée. Comment se passe ta nouvelle vie, ta reconversion professionnelle ?

 

Ma vie est frugale. Je pense que je suis une financière ratée ! Mais grâce à mes proches et à ce que je fais, je ne vais pas mourir de faim !

En décembre 2013, j’ai crée un groupe 'Je me casse' sur le site ‘Meetup’. J’anime une communauté de personnes qui sont parties ou qui hésitent à partir de leur boîte. Avec l’appui de coachs, je mets en place mensuellement des ateliers et des conférences. On y aborde la ‘reconversion professionnelle’ et  le ‘développement personnel’. A partir du mois de septembre, la place sera à 10 € par participant.

Afin de me financer,en attendant qu 'Je me casse' se développe , j’ai suivi une formation ‘développeur et intégrateur web’ pendant trois mois, soit 400 heures. Grâce à cette formation, je pourrais vendre mes compétences pour créer et modifier des sites internet. Je travaille en ce moment pour mon premier client.
J’aimerais écrire deux ou trois livres. Soit sur les rencontres que j'ai faites, soit sur mon expérience professionnelle, soit sur les articles que j’ai déjà écris.

 

Lyv, as-tu le sentiment que ton parcours est une série de ‘je me casse’ ?

 

Ah ! Peut-être ! Mais n'est-ce pas le parcours de tout le monde ? Personne n’est seul dans cette envie de se ‘casser’.
A un moment de ma vie, je m’étais perdue. Je n’avais pas assez écouté ma petite voix et trop celle des autres. La rationalité m’avait rattrapée. Ma vie était bien, mais aux yeux des autres.

 

Regrettes-tu d’avoir quitté ton emploi de consultante et de mener la vie que tu as aujourd’hui ?

 

Oh non ! C’était une option que je revienne en Angleterre à la fin de mon congé sans solde. Mais début août 2014, j’ai officiellement démissionné de mon entreprise !
Bien sûr que je connais des moments de doute. Je sais maintenant que je veux vivre de mon site internet. J'explore plusieurs façons de le faire. Le plus dur dans la vie, c’est de faire ce dont tu as envie. des choses extérieures, des nécessités nus en empêchent parfois. Ce qui compte, c'est de se recentrer et de consacrer le maximum de temps à ce qu'on aime. Le tout, c’est de se rappeler que c’est sa vie ! D’être partie et de me réaliser me donne le sentiment d’être libérée d’une cage ! J’aime bien créer des choses. J’apprends à bien me connaitre.

 

As-tu un conseil pour toutes les personnes qui réfléchissent à se ‘casser’ ?

 

Se ‘casser’ n’est pas toujours nécessaire. C’est pourquoi, il faut réfléchir à sa décision. En prenant son temps. En étant en pleine conscience. Partir sur un coup de tête, ce n’est pas la solution.
Par contre, quand il y a malaise, le début de maladies, l’impossibilité de se lever le matin, il faut agir en conséquence. Il faut accepter d’être mal et agir dessus. C’est préférable que d’attendre que ça passe.
Que toutes ces personnes en réflexion se rassurent : elles ne sont pas seules dans cette envie. »
Propos recueillis par Thomas MASSON